C’est avec les mots qu’il adresse à son futur fils que Julien Lagneaux nous prend par les tripes. Ils nous font vibrer entre optimisme, colère et inquiétude.
Le tragique jour des attentats de Bruxelles, Julien Lagneaux était dans sa voiture pour se rendre à son travail. Après une journée d’angoisse, il rentre chez lui pour découvrir que tous ses proches sont sains et saufs. En réaction, il s’est posté devant son ordinateur pour écrire une lettre à son fils à naitre. La voici :
« Mon fils,
Papa est triste et te demande pardon.
Tu n’es pas encore là et je suis déjà inquiet. Je suis quelqu’un d’optimiste pourtant, j’ai pour habitude de voir le verre à moitié plein et je me targue souvent de pouvoir, plus qu’un autre, apprécier les nuages, le vent et la pluie.
Je t’aime déjà tant, toi que je sens bouger contre ma main, à travers ce ventre. Tu me fascines, m’émerveilles et me fais vivre l’expérience la plus fabuleuse de la vie, alors même que tu « n’es pas encore là ».
Je te demande pardon car aujourd’hui je doute. Je doute de ce que j’ai à t’offrir. Je doute que mes bras puissent te protéger jour et nuit de la bêtise des uns et des autres. Certes, tu en feras toi-même des bêtises, comme j’en ai fait d’ailleurs, et c’est notamment par celles-ci que tu te construiras et deviendras véritablement Homme. Mais ce matin, j’ai le sentiment d’être terriblement égoïste. Égoïste de n’avoir que ça à t’offrir, un monde devenu fou, où la haine n’a jamais trouvé autant écho, où nos libertés n’ont jamais été autant remises en question, où le respect de notre intimité et de notre vie privée est de plus en plus bafoué au privilège de la sécurité d’une part et de la consommation de l’autre. J’en viens à considérer « normal » que notre ADN et nos empreintes soient prélevés et conservés dans un fichier et que notre géolocalisation passe progressivement de la prouesse technologique à une véritable question de sécurité, nécessaire et évidente.
Pardon mon fils de t’offrir tout ça. J’ai été aveuglé par la merveilleuse histoire de la vie. Je suis ton développement avec tant d’impatience, d’incertitudes, d’amour, de craintes. Suis-je à la hauteur finalement? Est-ce que ce monde est à votre hauteur, à toi, et à ces millions d’autres enfants à naître, les Hommes de demain? Jusqu’ici, je n’avais pas réalisé que donner la vie pouvait avoir quelque chose de si terrifiant… Aujourd’hui j’ai réalisé que je passerai dorénavant la mienne à m’employer à te faire aimer la terre, les arbres, les fleurs, le soleil, mais aussi les nuages, le vent et la pluie. Pardonne-moi de ne pas être tout à fait honnête et de parfois te mentir un petit peu pour t’apprendre à aimer cette vie que j’ai choisi de te donner… »
Après avoir lu cette lettre, on ne peut avoir que les tripes qui se serrent aux mots de ce futur papa. C’est ce que la Libre Belgique a ressenti lorsqu’elle l’a reçue. C’est pour cette raison que le journal belge a décidé de la publier. Depuis, ces quelques mots adressés à un enfant pas encore né émeuvent tout le monde et font le tour du web.